Les dessous des sous

« Les médecins, ces nantis qui roulent en Porsche » versus « On est mal payés, on n’a pas de sous ». Je ne me reconnais dans aucun des deux clichés…

Généraliste nanti faisant ses comptes en fin de journée dans l'imaginaire collectif.

Généraliste nanti faisant ses comptes en fin de journée dans l’imaginaire collectif.

On n’est pas du tout MAL payés, faut pas exagérer. Mais On n’est pas (tous) des nantis non plus. Et les histoires de revenus des médecins, c’est pas si simple que ça. D’abord parce que pour le moment c’est (malheureusement) compliqué (voire impossible selon les régions) de faire de la médecine générale autrement qu’en libéral.
Et libéral, ça veut dire pas de salaire. 
Donc les « revenus » des médecins généralistes, c’est pas ce qu’ils mettent sur leur compte. C’est ce qui leur reste une fois enlevées toutes les charges, et y’a comme une différence entre les deux.

Le montant initial (recettes) et ce qui reste à la fin (bénéfice) dépendent beaucoup de la façon de travailler du médecin. Plages de consultation, nombre de patients par jour, degré de bonne-poiritude, activités complémentaires…
Mais aussi des conditions de travail. Loyer (je tire mon chapeau aux parisiens, qui sont bien handicapés sur ce coup-là), secrétariat, femme de ménage, charges diverses.

J’essaye d’en parler avec mes externes, parce que même si on ne fait pas médecine pour ça, c’est quand même important de pouvoir se projeter. Et que perso, je n’ai jamais compris cette drôle de manie française de pouvoir discuter de sa toux et de ses crachats, ou de son opération d’ongle incarné partout avec n’importe qui, mais par contre « houlala faut pas parler de combien on gagne, c’est pas poli! ».
Alors comme docteurmilie et docteurgécé cette année, comme Borée il y a quelques années, et comme zigmundoph régulièrement pour les ophtalmos, voilà ma balance à moi.

Les recettes :

Situons le contexte : je travaille les lundi, mercredi, vendredi, et un samedi matin sur deux au cabinet médical. Des bonnes journées, arrivée 8h15, départ 20h quand c’est la fête, 21h trop souvent, parfois après (mais je me soigne). En moyenne dans les 25 patients par jour. Je prends à peu près 7 ou 8 semaines de congés (pas payés, par définition!) par an.
Je suis d’astreinte le samedi ou le dimanche, en moyenne une quinzaine de jours sur l’année, plus environ 4-5 gardes par an à la maison médicale de garde.
En dehors de ça j’interviens un peu au Réseau Asthme BPCO pour de l’éducation thérapeutique. 
Et je suis maître de stage et intermittente du spectacle chargée d’enseignement à la fac.
Ah, et je ne touche pas la ROSP parce que j’ai refusé de la percevoir.

Pour 2014
Honoraires (donc les consultations et les gardes) + 2400€ d’indemnités de maîtrise de stage : 104704.  Dont 8400 € que j’ai rétrocédés à mes remplaçants, en fait.
Gains divers (tout le reste) : 6220
Et comme je suis installée et que j’ai 2 collaboratrices, il faut y ajouter ce que je touche comme redevance de collaboration de leur part (en gros, leur participation aux frais du cab) : pour 2014 : 18000€

Soit en tout, dans les 121000€ de recettes.

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Youhou!!
Mais en fait c’est PAS DU TOUT ce qui reste à la fin!

Les dépenses:

Bon alors j’annonce : j’ai BEAUCOUP de charges. A chaque fois que j’en parle ça fait peur. MAIS c’est aussi (en bonne partie) lié à des conditions de travail confortables…
En pratique, je suis locataire, mais j’ai un très grand bureau (un bureau de 15m2 + une salle de consultation de 12m2). Surtout, au cabinet médical, pour 4 médecins à travailler chacune 3,5j/sem, on a 2 secrétaires ET une entreprise pour le ménage ET un secrétariat téléphonique pour les jours où les secrétaires ne sont pas là. Donc je ne réponds JAMAIS directement au téléphone #LeLuxe.

Je ne vais pas tout détailler (parce que c’est très chiant), mais en gros ça donne ça :

Charges du cabinet : en tout (loyer + salaires et charges sur salaires + charges diverses, allant de l’électricité aux essuie mains en passant par les gars qui viennent tondre la pelouse ou le rachat d’ordinateurs qu’on nous a volés) : 51402€.  #Aïe.
(bon, alors c’est pas que mes charges pour moi toute seule, du coup, c’est mes charges pour moi + la moitié de chacune de mes collaboratrices… oui au cab on est 2 associées et 2 collaboratrices. Mais même, hein, ça fait beaucoup, je sais.)

Après, y’a les charges personnelles.
La CARMF (retraite) – 10000€ (à qui je dis adieu, parce que je ne les reverrai probablement JAMAIS)
L’URSSAF (allocs familiales (pas beaucoup parce que conventionnée), CSG et CRDS)- 4400€
La prévoyance, les trucs à payer pour espérer toucher un tout petit peu de sous si je tombe malade ou quand je serai vieille et que je ne toucherai rien de la CARMF : dans les 3500€
Et après y’a tout le reste du bazar : la comptable, l’AGA, les primes d’assurance de ceci cela, les frais de véhicule (et en astreinte je roule beaucoup), les cotisations à différents syndicats et organisations professionnelles (SMG, CGELAV, SNEMG…)…

Tout ça fait qu’en tout, mes dépenses sur 2014, ma comptable me dit que c’est 75889€.

Du coup, à la fin, il me reste 45000€, grosso modo.

Alors après y’a des trucs comptables que je pige pas, les déductions diverses, mais en tout cas là pour 2014, le chiffre de revenus 2014 que ma comptable me dit de mettre sur ma déclaration d’impôts, c’est  39 687€.
Ah si, faut ajouter mon salaire d’intermittente du spectacle à la fac, dans les 1600€ par an (mais c’est du salaire donc pas dans la 2035) pour un nombre d’heures réelles que je me refuse à compter parce que ça me déprimerait.

Donc voilà, on arrive à un peu plus de 41 000 par an. Donc si on divise , environ 3440 par mois (avant impôt sur le revenu évidemment). Ce qui n’a plus rien à voir avec les 121000€ du début, donc…

Bibidibabidibou!  (alias

Bibidibabidibou!
(alias « ben mince, j’avais plus de sous que ça tout à l’heure! »)

Alors vraiment, je ne me plains pas. C’est  très confortable, comme revenus, hein. Mais ça correspond à facile 40h de consultations par semaine + gardes et astreintes + toutes les heures invisibles (formation, compta, gestion du cabinet médical, heures passées à essayer de joindre des confrères fantômes sur mes jours de repos) + les heures à la fac + les heures à penser aux patients et aux responsabilités que je suis pas toujours certaines d’assumer comme il faut.
Donc ça ne me semble pas non plus délirant.

Vous pouvez aller voir ce que ça donne chez docteurmilie, qui bosse en collaboration libérale en Seine Saint Denis, ou chez docteurgécé, remplaçante. Vous verrez que ça peut être très différent d’un contexte à l’autre. L’important, c’est d’y trouver son compte, et surtout, de savoir dans quoi on s’engage avant de signer.

Je suis censée faire quoi, là?

J’ai la chance d’exercer le métier que j’ai choisi. Dans des conditions très favorables.
On est en 2015, on a plein de moyens pour soigner nos patients, plein de médicaments (y’en a même plein de nouveaux qui sortent tous les mois).
Sans contrainte financière, parce que j’exerce en France, et que c’est pas comme aux Etats-Unis, chez nous on ne demande pas leur carte bancaire aux gens avant de voir si on peut les soigner.

J’ai beaucoup d’admiration et de respect pour celles et ceux qui n’ont pas cette chance. Pour les vétérinaires, qui doivent gérer tant et tant de choses avec des contraintes financières qui jouent un rôle parfois majeur dans l’équation. Pour les soignants dans des pays moins favorisés, où les médicaments ne sont pas forcément disponibles. Voire où l’électricité et l’eau courante ne sont pas forcément disponibles, d’ailleurs…

Mais de plus en plus, depuis 8 ans que j’exerce en médecine générale, je me retrouve coincée. Je sais ce que j’ai à faire, je devrais pouvoir le faire, mais en fait non.

Certaines vaccinations ont une balance bénéfice-risque démontrée et solide chez les nourrissons. C’est mon travail de proposer ces vaccinations aux parents, de discuter avec eux des vaccins obligatoires, recommandés, utiles ou pas. Sauf qu’en ce moment, c’est le festival des ruptures de stock. Plus de vaccin pentavalent disponible. Et même les ROR disparaissent petit à petit de certaines pharmacies, et les hexavalents commencent à manquer. Et d’après les infos disponibles, pas de perspective de retour à la normale avant plusieurs mois.
Je suis censée faire quoi, là? Forcer les parents à faire des vaccins qu’ils ne souhaitent pas parce que ce sont les seuls qui restent? Ne pas vacciner les nourrissons, et croiser les doigts très fort pour qu’ils ne choppent pas la coqueluche? Et quand il faudra faire les papiers pour leur entrée à la crèche et qu’ils ne seront pas vaccinés, je ferai quoi?

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Le manque de moyens chronique de l’hôpital, les départs non remplacés, font que les temps de traitement des courriers explosent. Certains se perdent, ou arrivent 3 à 6 mois après la bataille. Souvent, ça se passe bien, on s’est renseigné entre temps, après tout on commence à avoir l’habitude… Parfois il y a des couacs, comme ce « au fait, oui, faudra bien l’opérer de son coeur » qui n’a jamais été envoyé.
Et le manque de moyens ne concerne pas que le personnel de secrétariat. Chez les soignants c’est pareil. Tout le monde est sur les nerfs, tout le monde est débordé. Ça fait 6 jours que j’essaye d’avoir au téléphone un confrère pour organiser la prise en charge d’un patient. Je n’arrive à joindre personne. « Il vous rappelera », qu’on me dit, mais j’attends toujours.
Je vais finir par devoir organiser les choses autrement. Moins bien. De façon moins adaptée pour mon patient. Juste parce que personne ne m’aura rappelée. (et accessoirement, comme une débile, j’aurai passé ma journée de repos à attendre qu’on me rappelle parce que j’ai promis à mon patient de le tenir au courant).

Les délais pour les examens complémentaires de base ou les avis de spécialistes s’allongent de plus en plus. Actuellement chez moi, pour avoir une échographie, il faut compter 15 jours. Même en appelant moi-même (ce qui me prend un temps fou). Et le cabinet le plus proche ferme en fin d’année, sans repreneur. Alors je me retrouve à envoyer aux urgences des patients que j’aurais pu prendre en charge autrement. A laisser mes patients en arrêt de travail, parce qu’ils ont besoin d’une infiltration et que le premier rendez-vous disponible c’est dans deux mois. A faire du moins bon travail, qui coûte plus cher à la société.

On est en 2015, on a plein de moyens pour soigner nos patients. Plein de technologies innovantes. Mais personne pour interpréter les examens. Plein de nouveaux médicaments inutiles qui sortent, mais des ruptures de stock en pagaille pour des valeurs sûres indispensables.

Alors bien sûr, je me dis que malgré tout, j’ai de la chance. Que pour l’instant, que mes patients soient très aisés ou sans un rond, on va pouvoir soigner leur cancer avec les mêmes médicaments. Que je n’en suis pas encore à devoir aller ramasser des plantes le matin pour compenser les médicaments que je n’ai pas. Qu’il faut relativiser un peu, qu’on est très loin des conditions de soins disponibles dans la majorité du monde. Que je tombe dans le « c’était mieux avant » qui n’est pas très constructif.

Je ne sais pas si vraiment, c’était mieux avant.
Mais je sais que ce qui vient, ça me file un peu la trouille.

 

PS: oui, je sais, je radote complètement. Cigare fleur porte, citron clé ballon, je suis pas encore démente, mais la situation est tellement désespérante que soit je radote, soit je vide mes comptes épargne et je me casse loin.

Boîte à outils

Un jour que je râlais à une formation trop BigPharma à mon goût, ma voisine m’a conseillé d’aller lire ce billet. FMC, pour Formation Mes Couilles. Ce jour-là, j’ai découvert Jaddo. Et les autres. Et je suis tombée dans le monde de la médecine 2.0, j’ai découvert la richesse des ressources en ligne, et l’intérêt des échanges et du partage des infos, et pas seulement entre médecins.

Quatre ans plus tard, me voilà à animer une soirée de formation pour les internes nantais sur le sujet. L’idée étant de leur montrer le paysage et quelques trucs… sans exhaustivité évidemment, parce que par définition, tout est actualisé et remis en question régulièrement. Et comme j’ai pas envie de les voir copier les recettes pendant la soirée, voilà un petit résumé de ma trousse à outils, pour retrouver les liens dont j’ai parlé.

N’hésitez pas à partager vos outils à vous, c’est fait pour!

Bob le bricoleur part en visite à la maison de retraite

Bob le bricoleur part en visite à la maison de retraite

Marteau, tournevis, les basiques.

Ça, c’est tout ce qui est utilisable en consultation, y compris face au patient (ou pendant qu’il se rhabille).
– Mon chouchou-de-tous-les-jours, le merveilleux antibioclic, tout sur les prescriptions d’antibio en ambulatoire
– Chouchou ex-aequo, le CRAT, pour savoir quoi répondre aux femmes enceintes ou allaitantes au-delà du parapluie précautionneux des notices médicamenteuses
– les antisèches de consultation en MG  par @euphorite (fiches pour les patients, recommandations, fiches de synthèse… faut farfouiller, c’est d’une richesse incroyable. Ça va des fiches de surveillance de TC aux recommandations pour l’IVG en passant par la conduite à tenir devant un ACR (avec @docadrénaline en special guest) ou cette merveilleuse infographie sur les éruptions cutanées de l’enfant).
Certifmed pour les certificats médicaux (et la réglementation qui va avec)

– les outils plus spécifiques (je m’en sers beaucoup moins souvent mais ça peut être utile), le TSTS-CAFARD pour dépister le mal-être chez les ados, Aporose pour argumenter le « non y’a pas besoin de faire une ostéodensitométrie », Pediadoc pour discuter avec mes externes des consultations de suivi des nourrissons, Gestaclic pour le suivi des grossesses à bas risque.
– ceux que je file aux patients en plus de m’en servir moi-même : pour réfléchir à la contraception, pour préparer un voyage à l’étranger.
(edit) : merci à @marjo_lab pour le lien vers ce site développé par deux pharmaciens, plein de vidéos de démonstration d’appareils à glycémie capillaire, dispositifs d’inhalation etc.

Traducmed pour si un jour j’ai des patients qui ne parlent ni français ni anglais (ou pour apprendre à dire « je vais vous faire quelques tests neurologiques » en chinois)

-plus rare: Memobio pour les prescriptions / interprétations d’examen biologiques, le guide de bon usage des examens radiologiques pour l’imagerie (pas testé moi-même mais entendu parler)
Tools&Docs : accès rapide aux recommandations sur tout plein de sujets

Clé à molette, pince universelle

Recherche bibliographique : Chaîne youtube de DocToBib : vidéos ludiques pour apprendre à faire une recherche bibliographique. D’autres exemples méthodologiques : un pas à pas bibliographique par @mimiryudo (qui a aussi de nombreux liens intéressants sur son site, et un génial tuto « débuter la thèse »)
Perso, mes recherches biblio commencent généralement par un tour chez Prescrire et Minerva. Et par me brancher sur l’accès nomade de ma fac pour avoir accès à un max d’articles (et si je ne trouve pas, au pire, je les demande sur twitter #Icanhazpdf)
(édit) Incontournable également :  le cismef (pour la recherche et pour le MeSH), et la DocDuDoc (qui fait un pré-tri dans les sites de recherche)

Veille documentaire : La Bibliothèque Médicale Lemanissier recense tout un tas de consensus / recommandations, avec les nouveautés accessibles rapidement pour voir si on a loupé un truc important.
Depuis quelques mois, @DrAgibus tient une revue de presse hebdomadaire en MG sur son blog, avec liens vers les articles / recos dont il parle (merci à lui!).

Garder les ciseaux aiguisés

L’idée, grâce à la richesse du web 2.0, est surtout de faire circuler l’information. Pour ça, les réseaux sociaux sont super utiles, en particulier twitter. Même la BU propose des formations sur le sujet!
Sur twitter, vous pouvez retrouver
– des comptes officiels: @HAS_sante, @CNGE_France, @ordre_medecins , @ansm, @Formindep…
– des revues médicales (anglo saxonnes principalement) @JAMAInternalMed, @NEJM
– des comptes de DMG ou de collèges de MSU @CGELAV, @DMGParisV, @DMGStrasbourg (et un jour peut être le DMG de Nantes si on leur met assez la pression ;-))
– et tout un tas de comptes de soignants, de patients experts, de gens impliqués dans le soin… à vous de choisir ceux qui vous apportent des choses

Mais évidemment, vigilance constante! C’est pas parce qu’on le lit sur internet que c’est forcément vrai. C’est toujours mieux si info sourcée, vérifiable, croisée etc.

Vigilance constante.

Vigilance constante.

Je suis pas toute seule dans ma boîte à outils

Sur twitter, vous pouvez également poser des questions ou y répondre, via le #DocsTocToc (parfois #DocTocToc) : concernant des avis diagnostiques, thérapeutiques, des pratiques quotidiennes… c’est un moyen simple de ne plus se sentir isolé en MG (même pendant un remplacement tout seul). Et c’est un peu magique!

Concernant l’enseignement en santé, et pour réfléchir ensemble au soin et à la formation des soignants, un rendez-vous incontournable, le débat hebdomadaire du MedEdFr : tous les jeudi soirs, à 21h, le compte @MedEdFr lance une discussion sur un thème donné , en suivant le hashtag #MedEdFr.  (si vous avez du mal à suivre vous me demandez, je peux faire la hotline!)

Le piou-piou du #MededFR 21 sur le thème "Le soignant que je voulais être et celui que je deviens" reprenant les mots des participants

Le piou-piou du #MededFR 21 sur le thème « Le soignant que je voulais être et celui que je deviens » reprenant les mots des participants

Votre boîte à outils sur mesure

Quand on est installé, c’est pas trop difficile de se faire son petit dossier sur l’ordi et sa barre de favoris sur le navigateur internet du cab. En remplacement c’est plus difficile… et puis ça peut être sympa d’avoir accès à sa boîte à outils même en dehors du cabinet médical.
Du coup, @L_Arnal a eu une belle idée (et en a fait sa thèse de MG): par ici, vous pouvez créer votre site perso, sur mesure, avec toutes les infos que vous souhaitez pouvoir retrouver (vidéos, fiches de synthèse, liens divers…).

Y’a pas que les outils dans la vie, y’a aussi les bibliothèques.

Et là, je suis obligée de mentionner les blogs. Parce que c’est par eux que je suis arrivée dans tout ça, et que je prends encore un grand plaisir à les lire et à y apprendre des choses. Et si j’ai le courage je remets à jour ma blogroll, promis, mais voilà déjà quelques liens.

– Il y a ceux qui ont envie de nous apprendre quelque chose, de façon super didactique. Sérieux comme chez Perruche en Automne, PU en néphro, qui parle ici de troubles de la natrémie. Ou chez GrangeBlanche, cardiologue, qui compare les AVK ou parle des NACO. Enervé chez Borée qui démontre en quoi c’est du terrorisme d’empêcher les enfants avec des ATT de prendre un bain. Ludique chez l’imprononçable neurologue @qffwffq, ici sur le sommeil des déments. Engagée chez @docteurmilie quand elle parle du travail (qui n’est pas toujours la santé). Ou chez @sophiesagefemme qui nous raconte ses missions dans l’humanitaire.

– Il y a les raconteurs d’histoire, comme Jaddo (que je ne remercierai jamais assez de m’avoir fait découvrir tous les autres!), qui non seulement racontent bien mais alimentent la réflexion au fil des rencontres avec les patients. Et puis le trio de choc de 2 garçons, 1 fille, 3 sensibilités (dont le célèbre billet de @Boutonnologue sur le péril viral). Et @10lunes qui parle si bien de périnatalité. Et plein, plein d’autres… des patients qui témoignent, aussi, voir ici Hermine parler d’errance médicale, ou la Crabahuteuse raconter son parcours et collecter les infos pertinentes sur la prise en charge du cancer du sein.

– Il y a celles et ceux qui défendent leurs opinions, s’engagent pour l’indépendance de la formation initiale et continue des médecins (ici bruitdessabots), ou contre les violences faites aux femmes (docteurgécé qui fait un récapitulatif de sa formation sur le sujet, ou le blog d’Opale, elle-même victime, qui témoigne du parcours (ô combien difficile) jusqu’à la plainte et au procès). @Babeth_AS a lancé un blog pour parler des maltraitances ordinaires. Incontournable également, @docdu16 qui décortique le système de santé avec un regard acéré.  Et pendant que @fluorette expose ses doutes concernant l’avenir de la MG, @L_Arnal nous parle de son installation choisie.

Les catégories sont complètement perméables, et c’est ça qui est chouette! J’en oublie plein, évidemment… Il y a le club des médecins blogueurs qui en référence pas mal, mais pas tous. Et de toute façon la liste s’allonge au fur et à mesure.

Chacun apporte sa petite contribution, chacun se sert.
C’est beau, quand même, le 2.0.

 

Commentaires à lire , avec plein d’outils supplémentaires dedans!

La coupure

Pour certains, c’est naturel.
Pour d’autres, c’est beaucoup plus difficile.

Je fais partie de la deuxième catégorie. J’ai du mal à faire la coupure. Du mal à laisser derrière moi les histoires des patients quand je rentre à la maison. Souvent, je cogite trop, je « et si? », je refais le film en voyant tous les moments où j’ai peut-être mal expliqué, mal répondu, mal décidé. 

Et puis l’autre soir, en rentrant chez moi, mon autoradio s’est mis à diffuser ça. Et instantanément, mon niveau de stress est descendu de 10 points.

La musique, c’est la mémoire.
Cette musique, ce sont des moments de pause volés pendant des gardes aux urgences. Pas à BigCHU, parce que là-bas la pause n’était même pas envisageable. Mais dans les urgences où j’ai fait mes gardes ensuite, vers 3 ou 4h du matin, il y avait souvent un moment plus calme. Les patients étaient soulagés, gérés ou en attente de résultats.

Je m’asseyais sur l’un des plans de travail de la salle de soin, le long du mur, dans un petit coin.
Je sortais mon ipod du fond de ma poche, et je démêlais les fils des écouteurs.
Puis je branchais la musique.
Mon co-interne m’ayant fait découvrir Sigur Rós, c’était souvent eux qui m’accompagnaient ces nuits-là.
Dix minutes les yeux fermés, très loin des urgences, suffisamment fatiguée pour ne pas penser aux patients qui allaient arriver ou à ceux du service.
Dix minutes ailleurs, avant de pouvoir retourner travailler, un peu plus sereine, un peu plus efficace, les écouteurs rangés tout au fond de ma poche de blouse. Batteries rechargées.

Et neuf ans plus tard, dans ma voiture, après une journée de consultations, c’est toujours aussi efficace.

C’est quand même magique, la musique.

Wall-E faisant le plein d'énergie avant de commencer sa garde.

Wall-E faisant le plein d’energie avant de commencer sa garde. Lui sa musique c’est plutôt ça http://youtu.be/rz8yUt1qle4

PS : en parlant de musique et de médecine, je ne peux que vivement vous conseiller d’aller faire un tour chez @DocteurSeuss (ce « Time after time » ❤ ) et @DrSelmer 

Les externes, c’est trop bien.

Bon, OK, @docteurmilie a déjà tout dit là. En plus elle l’a pas dit toute seule, elle l’a dit avec ses externes, ce qui est encore mieux.

Mais après tout c’est pas parce qu’elle l’a déjà dit que j’ai pas le droit de le redire. Et d’ailleurs, elle m’a donné une autorisation de plagiat.

En résumé :
Les externes, c’est trop bien.
Avoir des externes en stage, et en cours, c’est trop bien.
En tout cas moi, j’adore.

Bon, OK, moi j'interviens plutôt à l'école des docteurs, mais on va pas chipoter.

Bon, OK, moi j’interviens plutôt à l’école des docteurs, mais on va pas chipoter.

Bien sûr, il y a un côté un peu militant. La médecine générale est sous-représentée pendant le deuxième cycle des études médicales. L’image qu’on en a parfois en tant qu’étudiant, c’est que le généraliste s’occupe principalement des rhumes et des gastros (et certains jours j’aimerais bien, en fait, ça serait moins fatigant)

Alors quand je rencontre des externes, en cours ou en stage, j’aime bien leur raconter la (ma) médecine générale.
Qu’on ne s’ennuie jamais.
Que le suivi, le lien construit avec les patients année après année, c’est unique.

J’en profite aussi pour parler de choses qui me tiennent à coeur. Des conflits d’intérêts, entre autres. De l’importance de toujours, toujours rester critique.

Normalement, à partir de l’année prochaine, à Nantes, tous les externes passeront en stage en médecine générale. Quelle que soit la spécialité qu’ils choisissent ensuite, ils auront vu ce que c’est. On aura un peu discuté ensemble des avantages, mais aussi des inconvénients et des difficultés. S’ils choisissent la MG, ils le feront en connaissance de cause.
S’ils choisissent une autre spécialité, ils connaîtront l’autre côté du miroir. Et ça, c’est toujours utile. Je me souviens de mon stage aux urgences à chaque fois que j’y adresse un patient. C’est ça qui me fait prendre 5 minutes pour faxer les derniers compte-rendus pertinents, même si j’ai vu le patient à l’arrache en visite.

Logiquement, quand les spécialistes de toutes les spécialités, des hôpitaux, des cliniques, des cabinets libéraux, seront tous passés en médecine générale, on galèrera peut-être un peu moins pour adresser un patient en entrée directe. Ou pour avoir un avis pendant que le patient est en face de nous en consultation. Ou pour discuter ensemble d’une indication de traitement.

Au final, ça sera plus agréable pour les médecins, mais c’est surtout aux patients que ça bénéficiera.

Et on vivra tous heureux, on s'entendra tous bien et on travaillera tous pour le bien des patients, ça sera trop chouette! #LEspoirFaitVivre

Et on vivra tous heureux, on s’entendra tous bien et on travaillera tous pour le bien des patients. Ça va être trop chouette! #LEspoirFaitVivre

Mais si j’aime bien avoir des externes en cours ou en stage, au-delà du côté bisounours-militant, c’est aussi pour des raisons bassement égoïstes.

J’aime parler de mon métier et de mes patients (oui, bon, ok, je suis une épouvantable pipelette concernant le sujet), et ça me donne une occasion complètement légitime de le faire.

Régulièrement, ça me fait progresser.
Grâce à mes externes, je ne me trompe plus en examinant les épaules. Parce que l’un d’eux m’a dit un jour « mais je croyais que le palm-up test ça se faisait les bras tendus? ». On a vérifié ensemble. Il avait raison.
Grâce à mes externes, j’ai vraiment fait des réévaluations de traitement, et pas des renouvellements d’ordonnance.
Grâce à l’un de mes externes, j’ai pensé à faire un dosage de créatinine (que j’avais oublié) à ce patient asthénique et nauséeux. Qui n’avait finalement pas d’insuffisance rénale, mais quand même. C’est mieux d’en être sûre. Les externes sont de précieux aide-mémoires.

Et puis, quand mon externe est là, les patients se rendent un peu mieux compte de ce qui se passe dans ma tête pendant les consultations. On discute tous ensemble du raisonnement médical, des hypothèses, du pour, du contre, des différentes options. Comme ça, les patients réalisent parfois que notre métier, c’est un peu plus compliqué que « juste » faire une ordonnance ou un certificat. Être enseignante, face aux patients, ça a un côté assez flatteur, il faut bien le reconnaître. 

Alors oui, ça prend du temps, et ça ne rapporte rien en euros. L’indemnité de maître de stage compense tout juste (voire pas du tout) le temps nécessaire aux débriefings de consultations.
C’est pas toujours facile d’admettre qu’on ne sait pas, ou de se tromper.
Mais la balance avantages inconvénients reste nettement positive.

Parce que voir un externe en fin de stage mener un entretien avec un patient de façon pertinente et respectueuse, et se dire qu’on a un petit peu participé à former un futur médecin qui tienne la route, c’est génial.

Métaphore du MSU apprenant à son externe à prendre en charge un patient en MG.  Voyez comme il a l'air content?

Métaphore du MSU apprenant à son externe à prendre en charge un patient en MG.
Voyez comme il a l’air content?

#LesExternesCEstTropBien.


Pour accueillir des externes en stage de MG, il suffit d’être installé depuis un an. Des formations sont régulièrement organisées. Contactez votre association locale de MSU, ou votre fac! Et si vous connaissez de bons médecins généralistes qui ne prennent pas (encore) d’étudiants en stage, n’hésitez pas à le leur suggérer!

Ça pourrait changer.

C’est dommage, quand même. La communication à la fac, c’est pas le top. La formation théorique reste encore très centrée bouquins. Les informations reçues sont périssables, et parfois critiquables. La médecine générale pendant le deuxième cycle n’est ni visible ni connue. Les formations pluriprofessionnelles ou entre facultés, c’est pas encore au point.

Mais tout ça, ça pourrait changer.

Ça change déjà, pour certains points, dans certains endroits.
Ça change, parce que des gens motivés s’y mettent, localement, dans certains DMG ou collèges d’enseignants. Vous pouvez lire ça chez docteurmilie.
Ça change, et ça pourrait changer encore plus, et ça ne serait pas forcément si compliqué que ça. DocteurGécé et GéluleMD nous racontent comment.

Sauf que pour que ça change vraiment, à mon avis, il va falloir changer de point de vue, et créer des filières d »information et de formation parallèles à la fac.

A mon sens, les DMG peuvent facilement ouvrir des comptes twitter, et des pages facebook, pour relayer les infos de la fac, comme à Paris Descartes. On peut parler à la fac du #MededFr, du #DocsTocToc, du #FOAMed, des blogs. On peut y encourager les enseignements pluriprofessionnels, l’évaluation des enseignements, le doute. Et c’est déjà un grand pas.

Par contre, pour le « vrai » 2.0, pour les débats, pour le dialogue, pour un tableau d’ensemble créé par les avis de chacun, c’est autre chose.

La FUMG, Filière Universitaire de Médecine Générale, est utile. Nécessaire, même. OUI, la médecine générale est une spécialité qui justifie amplement une place dans l’enseignement et la recherche, en plus de sa place dans le soin.  Et pour ça, il faut une filière universitaire. Qui ait les moyens de faire son boulot, tant qu’à faire. Pour ça, le CNGE, les syndicats, et les enseignants des DMG, ont accompli un travail remarquable depuis des dizaines d’années, en développant petit à petit une place pour la MG dans les facs de médecine.

Sauf qu’il y a, au sein de cette FUMG, plein de règles à suivre.
Comme c’est la fac, ça a un côté sanctionnant. Il faut évaluer, forcément, et noter. Ça va pas trop trop avec le 2.0. Exemple : si on rend l’analyse biopsychosociale du dernier billet de Jaddo obligatoire par les étudiants, on risque fort de  les dégoûter (et je suis pas certaine que ça emballe franchement Jaddo ou les autres blogueurs).
Il y a également dans la FUMG des enjeux politiques et une quête de reconnaissance qui m’échappent parfois.
Les acteurs principaux de la formation, étudiants et maîtres de stage de terrain, ne s’y retrouvent pas forcément. Ils ont l’impression que la FUMG est en train de se déconnecter du terrain. La théorisation du métier, c’était une étape nécessaire pour la reconnaissance de la spécificité du métier de généraliste, et c’est nécessaire pour la recherche.
Mais à un moment faudrait arrêter de penser que tous les étudiants, enseignants ou maîtres de stage, savent, veulent et peuvent comprendre le jargon pédagogique parfois hermétique du CNGE, et utiliser ce genre de trucs.

C'est joli, hein? Une roulette combinatoire, que ça s'appelle.

C’est joli, hein? Une roulette combinatoire, que ça s’appelle.

La FUMG, c’est la partie émergée de l’iceberg « formation en médecine générale ». La surface, la vitrine. Mais comme toujours, la majorité de l’iceberg est sous l’eau. Ce sont les maîtres de stage, les patients, les étudiants, les soignants, tous ceux qui font la médecine générale au quotidien.

Physique de base : si la partie sous-marine  de l'iceberg s'en va, la surface coule.

Principe de base : si la partie sous-marine de l’iceberg s’en va, la surface coule. Conclusion : la surface-FUMG a besoin de la base-LeResteDeLaMG.

Le principe même du 2.0, c’est la collaboration, la connexion. Pas (seulement) la connexion internet, mais surtout la connexion des gens entre eux, horizontale, sans hiérarchie imposée.
Et c’est cette connexion, cette collaboration, qui lui donnent tout son pouvoir. Le 2.0, c’est la mise en pratique du « on est plus intelligents à plusieurs ». Regardez Wikipedia : tout le monde peut participer, mais les informations doivent être neutres, et systématiquement sourcées. Les articles sont en amélioration continue, chacun pouvant corriger une erreur ou préciser un point obscur. En quelques années, ça a donné une encyclopédie communautaire, gratuite, d’une richesse incroyable.

Le 2.0, ça peut révolutionner la formation médicale. Mais pour ça, il faut qu’on s’y mette tous. Pour faire changer les choses, plus on est nombreux, plus on sera efficaces. Inscrivez-vous sur twitter, venez échanger, venez participer au #MededFr. En local, militez auprès de votre DMG ou de votre collège régional de maîtres de stage pour améliorer la communication et la diffusion d’information, pour créer des espaces de discussion, physiques ou virtuels.

Donnez votre avis. Proposez vos idées, débattez…

Pour que la formation en médecine générale soit à l’image de notre activité quotidienne auprès des patients : connectée au monde réel.

D’autres points de vue sur le sujet :
Docteurmilie
DocteurGécé
GéluleMD



Et petite page de pub perso : si vous dépendez de la fac de Nantes, n’hésitez pas à rejoindre le CGELAV. Depuis plus de deux ans que j’y suis, avec le reste de l’équipe, on défend l’idée d’en faire un lieu d’échanges et de propositions (et pas seulement une antenne locale, « descendante », du CNGE).

LOGO CGELAVgmail

L’année dernière, on a organisé des tables rondes avec maîtres de stage et étudiants, pendant lesquelles tout le monde avait la parole. Pas de censure, pas d’expert. C’était une belle journée, avec plein d’idées et de projets pour la suite. Ce jour-là, nous étions une cinquantaine à imaginer comment la formation et les stages pourraient évoluer, en tenant compte des contraintes pratiques et de la « vraie vie ». Cette année, on a passé à la moulinette une nouvelle grille d’évaluation des internes en stage. En s’inspirant des travaux du CNGE, mais en en essayant d’en faire un outil compréhensible par tout le monde. Pas clair? On modifie, ou on enlève. Cette grille n’est pas figée, elle a vocation à être améliorée en fonction des retours des uns et des autres.

Du 2.0 à la sauce locale, en discutant autour d’une table, mais qui ne demande qu’à s’étendre. 

C’est pour ça qu’on lance un blog / espace de discussion, ouvert à tous, MSU, internes, les autres, nantais ou non.
Rendez-vous sur http://www.cgelav.fr/le-blog-du-cgelav/, ou sur facebook et sur twitter!

C’est dommage, quand même. Episode 5

J’ai fait mes études de médecine à la fac de médecine. Pendant mes études, j’ai eu des cours avec des futurs dentistes, un peu, pendant la première année, mais la première année je sais pas si elle compte vraiment. A la fin de cette première année qui ne compte pas vraiment, j’ai eu un stage d’un mois « d’initiation aux gestes infirmiers », qui a compté beaucoup plus. J’y ai côtoyé une chouette équipe d’aide-soignantes et infirmières, qui n’ont même pas râlé de devoir s’occuper de moi. J’y ai appris beaucoup.
Mais par la suite, on est restés entre médecins. Et une fois les ECN passées, on est restés entre internes de médecine générale. On croisait bien d’autres soignants en stage, mais pas de cours en commun, c’est pas le genre de la maison.

Faudrait pas mélanger.
C’est pas comme si on avait besoin de savoir travailler tous ensemble pour bien prendre en charge les patients, après tout.

#FacePalm. Alias la consternation devant l'absence de toute rencontre avec nos futurs collègues soignants pendant notre formation initiale.

#FacePalm. Alias la consternation devant l’absence de toute rencontre avec nos futurs collègues soignants pendant notre formation initiale.

Ça commence à évoluer timidement. Des initiatives enthousiasmantes comme celle-ci  commencent à voir le jour. Des enseignements pluriprofessionnels : par plein de soignants différents, pour plein de soignants-en-formation différents, pour apprendre à travailler ensemble.
Mais c’est compliqué à mettre en place. Parce que ça n’est pas encore dans les habitudes. Parce qu’il faut trouver des locaux pour accueillir tout le monde, et trouver des créneaux communs sur des emplois du temps alternant cours théoriques et stages… Sans parler des financements pour tout ça.

Du coup, pour le moment, plus de 99% des enseignements aux médecins sont fait exclusivement par des médecins, exclusivement à des médecins.

Alors qu’en 2014, les contraintes de « Non mais on peut pas trouver un créneau commun sur les agendas », on peut imaginer les gérer autrement. Prenez la formation continue. Mon groupe de pairs, j’y vais quand je veux (en suivant quand même un certain cadre, c’est pas la fête du slip, mais si je ne suis dispo que le jeudi matin, ou le soir après 22h, ça ne pose pas de problème). Les MOOC se développent de plus en plus, avec la même souplesse. Et puis il y a les réseaux sociaux, les blogs, les échanges au quotidien par ces plate-formes avec d’autres acteurs du système de santé, qui permettent de mieux oeuvrer tous ensemble (soignants, patients, usagers, politiques, tout le monde, finalement!), de mettre en place des actions communes.

C’est dommage, quand même, qu’en formation initiale, on en reste beaucoup au médico-médical.

Ça pourrait changer.

On en reparle demain?

Episode 1
Episode 2
Episode 3
Episode 4
Episode 5
Ça pourrait changer 

C’est dommage, quand même. Episode 4.

(Merci à la talentueuse @GéluleMD pour les illustrations tirées de ses billets, ici et ici)

L’image de la médecine générale à la fac, pendant longtemps, ça a été ça.

Capture d’écran 2014-10-12 à 21.10.11

copyright @GéluleMD

Ça commence à changer. La MG est devenue une spécialité « comme les autres ».

Comme les autres, vraiment? Pas tout à fait. Parce que, bien qu’elle concerne la moitié des étudiants, elle n’a quasiment pas de moyens pour enseigner, et n’intervient quasiment pas dans le premier et le deuxième cycle des études médicales.

Bon, là, j’exagère. J’ai eu UN cours de médecine générale quand j’étais en troisième ou quatrième année. Faut que je vous raconte.
Un après-midi, en amphi, toute la promo était là (enfin tous ceux qui étaient en cours. Mais pas mal de monde, dans mon souvenir, après tout, c’était notre seul cours de MG, ça rend curieux!). Après un blabla dont je ne me souviens plus trop, le prof nous a expliqué qu’on allait regarder un film, et qu’on aurait ensuite à répondre à quelques questions.
La vidéo, grosso modo, c’était ça. On y voyait un bon Dr Dévoué parcourir les routes de campagne pour aller prendre la tension de ses patients dans leur salle à manger, avant de rentrer manger le gratin que sa femme lui faisait réchauffer parce qu’il rentrait après l’heure du dîner. Mais le téléphone sonnait de nouveau, et le Dr Dévoué repartait au volant de sa voiture, vers le patient qui avait besoin de lui. The end.
Il a ensuite fallu répondre aux questions. La première, je vous promets que je n’invente pas, c’était : « Quel est le numéro de la plaque d’immatriculation de la voiture du médecin? ».
Voilà.
Parce que, je cite, « Pour un généraliste, avoir un sens aigu de l’observation, c’est indispensable ».
Si ça vend pas du rêve, ça…

Bon, c’était il y a plus de 10 ans. Ça a bien changé depuis. Maintenant, tout le monde passe les ECN, il y a un internat de MG, et une FUMG, pour Filière Universitaire de Médecine Générale.
Mais comme la FUMG n’a quasiment pas de moyens, les étudiants ne rencontrent toujours pas ou peu de généralistes pendant les six premières années de leur formation, avant de choisir leur filière. Les enseignements théoriques sont faits par les médecins du CHU, qui ne connaissent pas la MG, et qui du coup, ne risquent pas d’en parler. Pour les détails, voir le billet hyper bien fait de Gélule.

copyright GéluleMD

copyright @GéluleMD

Alors que, à la fac et ailleurs, les généralistes font plein de choses. Ils défendent une médecine générale au contact des patients, mais attentive aux niveaux de preuve et aux données de la science. Ils développent la recherche en soins primaires. Ils parlent de leur métier avec tendresse ou passion. Ils donnent à voir une médecine générale vivante, dynamique, pleine d’idées. Une médecine générale qui interagit avec les autres et se pose des questions sur le système de santé. Les patients en parlent, de leur MG, et pas que des Dr Dévoué. J’aimais déjà mon métier avant de tomber dans la blogosphère, maintenant, non seulement je l’aime mais j’en suis super fière.

C’est dommage, quand même, que la FUMG n’arrive pas à faire mieux passer ce message aux étudiants en médecine. Que la MG, c’est un beau métier, intellectuellement stimulant, émotionnellement enrichissant, qui a ses contraintes et ses difficultés, mais aussi ses atouts.

Ça pourrait changer.

Rendez-vous jeudi.

Episode 1
Episode 2
Episode 3
Episode 4
Episode 5
Ça pourrait changer 

C’est dommage, quand même. Episode 3.

Un jour pendant mes études, on m’a dit que la moitié de ce que j’apprenais serait de toute façon obsolète sept ans après.

L’avantage, c’est que j’ai fait de la place dans mes placards : pas la peine de conserver des dizaines d’années des bouquins pleins d’informations périmées.
L’inconvénient, c’est que ça fait un peu peur.
D’autant plus peur que j’ai fini par réaliser que parfois, ce que j’apprenais était déjà obsolète au moment où je l’apprenais. Ou faux (genre « pas de DIU pour les nullipares »). Ou méritait en tout cas un regard critique que mes enseignants n’avaient pas toujours (« après 50 ans, c’est mammo tous les deux ans pour les femmes »).

Souvenir obsolète de mes études : mon baladeur cassette qui m'accompagnait à la BU. Jadis, quoi.

Souvenir obsolète de mes études : baladeur cassette qui m’accompagnait à la BU.

Alors OK, c’est flippant.
C’est beaucoup plus facile et reposant de faire comme si ça n’était pas vrai.

Pour la prise en charge optimale des patients, par contre, la remise en question a du bon. Entretenir ses connaissances, douter, se poser la question des sources d’information, des niveaux de preuve…

C’est compliqué à mettre en place dès la formation initiale. Parce que pour les étudiants, je ne sais pas si ça serait forcément bien perçu. C’est tellement plus rassurant de faire comme si on apprenait le Savoir. Et puis il y a les conflits d’intérêts de certains enseignants, rarement (jamais?) déclarés en début de cours. Et puis il y a les examens à prévoir : pour noter les copies, n’avoir qu’une version de la vérité, c’est quand même beaucoup plus facile. Heureusement, certains profs sont attentifs à tout ça, et donnent le niveau de validité de ce qu’ils enseignent, et essaient d’enseigner le doute. Mais ça n’est pas l’attitude la plus répandue avant les ECN. Pas la plus « rentable » pour les étudiants non plus.
Pendant le troisième cycle, ça change un peu. En tout cas en médecine générale, ça fait partie des compétences que les départements de MG cherchent à développer. On nous pousse à remettre en question les dogmes établis.

Mais sans nous dire comment, en pratique, on peut se tenir au courant des informations utiles au quotidien, des remises à jour, des changements.

C’est dommage, quand même.

Mais ça pourrait changer.

Rendez-vous jeudi.

Episode 1
Episode 2
Episode 3
Episode 4
Episode 5
Ça pourrait changer  

C’est dommage, quand même. Episode 2

En neuf ans de médecine, j’ai appris beaucoup de choses. Des choses utiles, des choses moins utiles. Des choses dont je me souviendrai toute ma vie, et des choses que j’ai oubliées.
Parmi tout ça, il y a des choses que j’ai eu beaucoup, beaucoup de mal à apprendre.

Parce que les livres et les polycopiés et les transparents (oui, je suis un peu vieille, j’ai eu des cours sur transparents), c’est bien joli, mais ça n’a rien à voir avec la vraie vie. 

Evidemment, l’idéal, c’est de pouvoir apprendre en pratique, en stage, avec des patients qui ont donné leur accord, avec des soignants qui connaissent leur métier et ont envie de transmettre. 

Mais même en imaginant une configuration complètement bisounoursienne où ça se passe comme ça en stage, on ne peut pas passer dans tous les services. On n’y rencontre pas toutes les pathologies, tous les signes cliniques. Et les laboratoires de simulation sont à l’heure actuelle aussi répandus dans les facs que les dahus. Donc il y a forcément des choses qu’on n’apprend qu’en théorie.

Par exemple, j’ai appris à examiner les patients présentant des vertiges comme ça :

http://www.orlfrance.org/college/DCEMitems/DCEMECNitems344.html

Cours du collège français d’ORL concernant l’item 344 des ECN : « Vertige (avec le traitement) ».

Ça vous parle pas? Moi non plus. Je l’ai lu, et relu, et rerelu. Mais j’ai un sens de la représentation dans l’espace complètement déficitaire. Alors j’ai bêtement appris par coeur.
Jusqu’au jour où je suis tombée sur ces vidéos, ici et . Et que j’ai eu l’impression d’un coup de comprendre de quoi on me parlait, et comment l’utiliser pour prendre en charge mes patients.
C’est pas tout à fait aussi bien que d’apprendre à le faire auprès des patients avec un maître de stage motivé. Mais c’est quand même beaucoup mieux que le bouquin. Et puis on peut revoir la vidéo, y’a les commentaires en même temps, on peut même la montrer au patient pour lui expliquer ce qu’on va lui faire.

Des ressources comme celles-ci, il y en a plein. Elles sont même recensées sur twitter, sous le hashtag #FOAMed. Pour Free Open Access Medical education. Pour tout le monde, tout le temps, de partout. Des vidéos d’examen clinique chez les nourrissons, des radios ou ECG intéressants… il n’y a que l’embarras du choix. 

C’est dommage, quand même, qu’on n’en entende pas du tout parler à la fac. Et que la majorité des ressources soient en anglais. 

Ça pourrait changer.

Rendez-vous jeudi prochain.

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Episode 5
Ça pourrait changer