Le diagnostic, la sémantique, et la marguerite

(petit réponse au billet de @Matt_Calafiore et à celui de @DrSelmer)

Le mercredi, c’est ravioli.
Et le jeudi soir, c’est #MedEdFr. Rendez-vous incontournable sur twitter pour débattre de l’éducation en santé. Toutes les infos sont , c’est encore une initiative de la talentueuse Gélule (oui, la même que l’affiche, y’a des gens polyvalents!).

Et jeudi dernier, pour les MG, ça a swingué. Gros débat sur les traces écrites d’apprentissage, en clair, les célèbres RSCA. Qui a petit à petit dérivé sur la façon d’enseigner la médecine générale à la fac. Et soudain, @DrSelmer a mis les pieds dans le plat.

Capture d’écran 2014-09-14 à 11.09.39

Ça a donné lieu à un débat animé sur la notion de diagnostic. En gros, deux équipes, mais un débat très limité par les 140 caractères de twitter… Ils me corrigeront si je raconte des carabistouilles, mais en gros, y’avait d’un côté ceux qui disaient « on ne fait pas de diagnostic en médecine générale, ou rarement » et de l’autre côté ceux qui disaient « si, quand même, et à force de faire disparaître le diagnostic de la formation en MG, ça craint pour l’avenir du métier« . Perso, jeudi soir, j’étais dans l’équipe 2.

Mais en fait, c’est plus compliqué que ça. Parce que c’est de la sémantique, et que les deux équipes ne parlaient pas tout à fait de la même chose, je crois.
Sauf qu’en dessous de la sémantique de surface se jouent des choses importantes pour l’avenir de notre formation et de notre métier.

La sémantique :
Il y a diagnostiquer et diagnostiquer. La SFMG l’explique bien. La thèse de Marie Alice Bousquet (dont sont tirées les fiches de concepts théoriques de la SFMG) l’explique bien, et de façon documentée.
D’après la sémantique et les concepts théoriques développés par les théoriciens de la discipline, le diagnostic, c’est le diagnostic de certitude, le diagnostic certifié « Un diagnostic certifié et relié sans équivoque à un concept nosologique (exemple : un ulcère gastroduodénal prouvé par la réalisation d’une fibroscopie) ».
Et en médecine générale, les études ont montré que dans la grande majorité des consultations (70 à 90% selon les sources), le médecin n’aboutissait pas à un diagnostic certifié. Parce qu’on voit des gens pas malades, des malades au stade précoce des maladies, qu’on n’a pas de plateau technique, qu’on a pas tout de suite les résultats des examens prescrits…
En fait, même les spécialistes du CHU n’arrivent pas forcément à un diagnostic certifié. Même Dr House, si on analyse les épisodes, n’aura pas un diagnostic certifié en fin d’épisode.
Dans la même thèse, dans la même fiche, y’a ça : « On entrevoit les raisons pour lesquelles la médecine générale scientifique doit refuser la suggestion de continuer à établir des diagnostics à un degré inférieur de certitude ».

La médecine générale scientifique. Pour la recherche en médecine générale.
Sur cet aspect, je suis complètement d’accord avec l’équipe du « on fait pas de diagnostic en médecine générale ». Sur le plan scientifique, pour la recherche, c’est vrai.
Et c’est vrai aussi qu’une compétence importante en médecine en général et en médecine générale en particulier, c’est de savoir gérer l’incertitude.

N’empêche que.
On ne fait pas de diagnostic certifié, mais on a une démarche diagnostique. Tu le vois revenir, le diagnostic, juste modifié par la sémantique? On fait même mieux que ça, on fait du diagnostic de situation, qui prend en compte le contexte du patient, le contexte de soins, tout ça. (et là encore, c’est la médecine générale scientifique qui le dit… j’ai jamais autant cité la SFMG!)

Mais surtout, comme le dit si bien Selmer sur son blog à lui qu’il a (et qui est en plus un très chouette blog musical, allez-y, mettez ça en fond sonore, c’est du bonheur dans les oreilles) : si on enlève le diagnostic de la médecine générale, il ne reste pas beaucoup de médecine.

Certes, on accompagne les patients, on les écoute, on coordonne les soins, on organise le suivi… C’est super important, et j’adore cette partie du métier, mais y’a pas besoin d’avoir fait 9 ans de médecine pour ça. On est soignants, mais on a une particularité qui nous distingue des autres soigants avec lesquels on travaille. Si on a passé si longtemps sur les bancs de la fac et en stage à l’hôpital et ailleurs, c’est avant tout pour apprendre à diagnostiquer et traiter. Prescrire.

Ce n’est pas une fin en soi.
Ce n’est pas toujours le cas.
Mais il est indispensable qu’on sache faire.
Qu’on connaisse la sémiologie, les signes cliniques, les tableaux syndromiques, les maladies, les signes d’appel, les examens à faire, les traitements, la pharmacologie.
Et tout ça, ça disparaît petit à petit de l’enseignement de la médecine générale, et je trouve ça vraiment dommage.

Parce que pour savoir gérer l’incertitude diagnostique, il faut savoir diagnostiquer. Pour avoir les idées à peu près claires en fin de consultation devant un patient qui présente des symptômes de maladie, j’ai besoin d’avoir en têtes différentes hypothèses diagnostiques, de les avoir hierarchisées, de savoir comment éliminer les plus graves tout en gardant en tête la prévalence en médecine générale, tout ça.

Sauf que maintenant, on part du principe que les connaissances médicales sont acquises en deuxième cycle de médecine. Et que donc le troisième cycle, le DES de médecine générale, c’est pour acquérir des compétences. OK. Les compétences pour la médecine générale ont été réfléchies, très fort. Par des enseignants et des chercheurs en MG. Et ça a donné naissance à la marguerite des compétences (qui depuis, traumatise des générations d’internes en MG parce qu’on leur en sert matin, midi et soir).

La Marguerite des compétences. (qui ne ressemble pas à une marguerite, notez bien. plutôt un genre de trèfle, ou de pensée...)

La Marguerite des compétences. (qui ne ressemble pas à une marguerite, notez bien. plutôt un genre de trèfle, ou de pensée…)

Dans la marguerite, y’a du relationnel, de la communication, du suivi, de la coordination, de la prévention, du dépistage.
Mais pas de diagnostic. Juste de l’incertitude.

Dans les cours à la fac, y’a des cours sur le relationnel, la communication, le suivi, la coordination, la prévention, le dépistage.
Mais pas sur le diagnostic. Pas sur les traitements. Pas sur les pathologies. C’est censé être acquis depuis la sixième année. Alors que la MG est quasi absente des enseignements pendant les deux premiers cycles.

Alors oui, on chipote sur les mots.
Au final, je crois que jeudi dernier, malgré les débats, on était tous d’accord sur le fond. On ne fait que rarement un diagnostic certifié en MG. Il faut savoir gérer l’incertitude diagnostique. Mais la démarche diagnostique est au centre de notre métier de médecin.

Et comme Selmer, je suis un peu inquiète. Parce qu’on pourra être les meilleurs en relationnel / communication / suivi / coordination / prévention / dépistage, si on n’est pas bons en diagnostic, on ne pourra pas être de bons médecins.

Tous les chemins mènent à la foufounologie

J’ai un sens de l’orientation tout pourri. Par exemple, ça fait 16 ans que je fréquente ma fac, et je suis toujours incapable de trouver les bonnes salles du premier coup.
Les directions, les carrefours, c’est pas mon truc.

Mais il y a un domaine dans lequel, quel que soit le chemin que l’on choisit, on arrive à destination sans problème. Et ça, c’est quand même génial.

Ce domaine, c’est la santé des femmes.

Bon, si vous êtes une femme et que vous avez une fracture de l’orteil, ça compte pas.

Je parle ici de femmes qui vont bien, et qui ont simplement besoin d’une contraception, ou sont enceintes, ou ont été enceintes, ou ont plus de 25 ans et ont un frottis de dépistage à faire tous les trois ans…
Pour ces femmes là, tous les chemins mènent au même résultat.

Sage-femme, gynécologue, généraliste : vous avez le choix.

La seule différence, c’est le paysage sur le chemin. Et ça, c’est à votre préférence. Encore faut-il savoir que ces trois chemins existent, et qu’ils mènent au même endroit.

Alors sur une idée de DocteurGécé, et avec l’aide de 10lunes, la talentueuse Gélule a été embauchée pour mettre ça en image. Une femme, et des panneaux indicateurs, qui pour une fois, indiquent le chemin et pas la destination.Affiche profs santé

L’image est téléchargeable en grand ici, et pour ceux qui veulent l’imprimer en A3, ici pour le haut, et pour le bas. Vous pouvez la mettre dans votre salle d’attente, en parler autour de vous : l’important, c’est que le message passe.

Et pour retrouver d’autres billets sur le même thème, vous pouvez aller faire un tour chez DocteurGécé, chez 10lunes,et chez Gélule!