La coupure

Pour certains, c’est naturel.
Pour d’autres, c’est beaucoup plus difficile.

Je fais partie de la deuxième catégorie. J’ai du mal à faire la coupure. Du mal à laisser derrière moi les histoires des patients quand je rentre à la maison. Souvent, je cogite trop, je « et si? », je refais le film en voyant tous les moments où j’ai peut-être mal expliqué, mal répondu, mal décidé. 

Et puis l’autre soir, en rentrant chez moi, mon autoradio s’est mis à diffuser ça. Et instantanément, mon niveau de stress est descendu de 10 points.

La musique, c’est la mémoire.
Cette musique, ce sont des moments de pause volés pendant des gardes aux urgences. Pas à BigCHU, parce que là-bas la pause n’était même pas envisageable. Mais dans les urgences où j’ai fait mes gardes ensuite, vers 3 ou 4h du matin, il y avait souvent un moment plus calme. Les patients étaient soulagés, gérés ou en attente de résultats.

Je m’asseyais sur l’un des plans de travail de la salle de soin, le long du mur, dans un petit coin.
Je sortais mon ipod du fond de ma poche, et je démêlais les fils des écouteurs.
Puis je branchais la musique.
Mon co-interne m’ayant fait découvrir Sigur Rós, c’était souvent eux qui m’accompagnaient ces nuits-là.
Dix minutes les yeux fermés, très loin des urgences, suffisamment fatiguée pour ne pas penser aux patients qui allaient arriver ou à ceux du service.
Dix minutes ailleurs, avant de pouvoir retourner travailler, un peu plus sereine, un peu plus efficace, les écouteurs rangés tout au fond de ma poche de blouse. Batteries rechargées.

Et neuf ans plus tard, dans ma voiture, après une journée de consultations, c’est toujours aussi efficace.

C’est quand même magique, la musique.

Wall-E faisant le plein d'énergie avant de commencer sa garde.

Wall-E faisant le plein d’energie avant de commencer sa garde. Lui sa musique c’est plutôt ça http://youtu.be/rz8yUt1qle4

PS : en parlant de musique et de médecine, je ne peux que vivement vous conseiller d’aller faire un tour chez @DocteurSeuss (ce « Time after time » ❤ ) et @DrSelmer 

Les externes, c’est trop bien.

Bon, OK, @docteurmilie a déjà tout dit là. En plus elle l’a pas dit toute seule, elle l’a dit avec ses externes, ce qui est encore mieux.

Mais après tout c’est pas parce qu’elle l’a déjà dit que j’ai pas le droit de le redire. Et d’ailleurs, elle m’a donné une autorisation de plagiat.

En résumé :
Les externes, c’est trop bien.
Avoir des externes en stage, et en cours, c’est trop bien.
En tout cas moi, j’adore.

Bon, OK, moi j'interviens plutôt à l'école des docteurs, mais on va pas chipoter.

Bon, OK, moi j’interviens plutôt à l’école des docteurs, mais on va pas chipoter.

Bien sûr, il y a un côté un peu militant. La médecine générale est sous-représentée pendant le deuxième cycle des études médicales. L’image qu’on en a parfois en tant qu’étudiant, c’est que le généraliste s’occupe principalement des rhumes et des gastros (et certains jours j’aimerais bien, en fait, ça serait moins fatigant)

Alors quand je rencontre des externes, en cours ou en stage, j’aime bien leur raconter la (ma) médecine générale.
Qu’on ne s’ennuie jamais.
Que le suivi, le lien construit avec les patients année après année, c’est unique.

J’en profite aussi pour parler de choses qui me tiennent à coeur. Des conflits d’intérêts, entre autres. De l’importance de toujours, toujours rester critique.

Normalement, à partir de l’année prochaine, à Nantes, tous les externes passeront en stage en médecine générale. Quelle que soit la spécialité qu’ils choisissent ensuite, ils auront vu ce que c’est. On aura un peu discuté ensemble des avantages, mais aussi des inconvénients et des difficultés. S’ils choisissent la MG, ils le feront en connaissance de cause.
S’ils choisissent une autre spécialité, ils connaîtront l’autre côté du miroir. Et ça, c’est toujours utile. Je me souviens de mon stage aux urgences à chaque fois que j’y adresse un patient. C’est ça qui me fait prendre 5 minutes pour faxer les derniers compte-rendus pertinents, même si j’ai vu le patient à l’arrache en visite.

Logiquement, quand les spécialistes de toutes les spécialités, des hôpitaux, des cliniques, des cabinets libéraux, seront tous passés en médecine générale, on galèrera peut-être un peu moins pour adresser un patient en entrée directe. Ou pour avoir un avis pendant que le patient est en face de nous en consultation. Ou pour discuter ensemble d’une indication de traitement.

Au final, ça sera plus agréable pour les médecins, mais c’est surtout aux patients que ça bénéficiera.

Et on vivra tous heureux, on s'entendra tous bien et on travaillera tous pour le bien des patients, ça sera trop chouette! #LEspoirFaitVivre

Et on vivra tous heureux, on s’entendra tous bien et on travaillera tous pour le bien des patients. Ça va être trop chouette! #LEspoirFaitVivre

Mais si j’aime bien avoir des externes en cours ou en stage, au-delà du côté bisounours-militant, c’est aussi pour des raisons bassement égoïstes.

J’aime parler de mon métier et de mes patients (oui, bon, ok, je suis une épouvantable pipelette concernant le sujet), et ça me donne une occasion complètement légitime de le faire.

Régulièrement, ça me fait progresser.
Grâce à mes externes, je ne me trompe plus en examinant les épaules. Parce que l’un d’eux m’a dit un jour « mais je croyais que le palm-up test ça se faisait les bras tendus? ». On a vérifié ensemble. Il avait raison.
Grâce à mes externes, j’ai vraiment fait des réévaluations de traitement, et pas des renouvellements d’ordonnance.
Grâce à l’un de mes externes, j’ai pensé à faire un dosage de créatinine (que j’avais oublié) à ce patient asthénique et nauséeux. Qui n’avait finalement pas d’insuffisance rénale, mais quand même. C’est mieux d’en être sûre. Les externes sont de précieux aide-mémoires.

Et puis, quand mon externe est là, les patients se rendent un peu mieux compte de ce qui se passe dans ma tête pendant les consultations. On discute tous ensemble du raisonnement médical, des hypothèses, du pour, du contre, des différentes options. Comme ça, les patients réalisent parfois que notre métier, c’est un peu plus compliqué que « juste » faire une ordonnance ou un certificat. Être enseignante, face aux patients, ça a un côté assez flatteur, il faut bien le reconnaître. 

Alors oui, ça prend du temps, et ça ne rapporte rien en euros. L’indemnité de maître de stage compense tout juste (voire pas du tout) le temps nécessaire aux débriefings de consultations.
C’est pas toujours facile d’admettre qu’on ne sait pas, ou de se tromper.
Mais la balance avantages inconvénients reste nettement positive.

Parce que voir un externe en fin de stage mener un entretien avec un patient de façon pertinente et respectueuse, et se dire qu’on a un petit peu participé à former un futur médecin qui tienne la route, c’est génial.

Métaphore du MSU apprenant à son externe à prendre en charge un patient en MG.  Voyez comme il a l'air content?

Métaphore du MSU apprenant à son externe à prendre en charge un patient en MG.
Voyez comme il a l’air content?

#LesExternesCEstTropBien.


Pour accueillir des externes en stage de MG, il suffit d’être installé depuis un an. Des formations sont régulièrement organisées. Contactez votre association locale de MSU, ou votre fac! Et si vous connaissez de bons médecins généralistes qui ne prennent pas (encore) d’étudiants en stage, n’hésitez pas à le leur suggérer!