C’est dommage, quand même. Episode 3.

Un jour pendant mes études, on m’a dit que la moitié de ce que j’apprenais serait de toute façon obsolète sept ans après.

L’avantage, c’est que j’ai fait de la place dans mes placards : pas la peine de conserver des dizaines d’années des bouquins pleins d’informations périmées.
L’inconvénient, c’est que ça fait un peu peur.
D’autant plus peur que j’ai fini par réaliser que parfois, ce que j’apprenais était déjà obsolète au moment où je l’apprenais. Ou faux (genre « pas de DIU pour les nullipares »). Ou méritait en tout cas un regard critique que mes enseignants n’avaient pas toujours (« après 50 ans, c’est mammo tous les deux ans pour les femmes »).

Souvenir obsolète de mes études : mon baladeur cassette qui m'accompagnait à la BU. Jadis, quoi.

Souvenir obsolète de mes études : baladeur cassette qui m’accompagnait à la BU.

Alors OK, c’est flippant.
C’est beaucoup plus facile et reposant de faire comme si ça n’était pas vrai.

Pour la prise en charge optimale des patients, par contre, la remise en question a du bon. Entretenir ses connaissances, douter, se poser la question des sources d’information, des niveaux de preuve…

C’est compliqué à mettre en place dès la formation initiale. Parce que pour les étudiants, je ne sais pas si ça serait forcément bien perçu. C’est tellement plus rassurant de faire comme si on apprenait le Savoir. Et puis il y a les conflits d’intérêts de certains enseignants, rarement (jamais?) déclarés en début de cours. Et puis il y a les examens à prévoir : pour noter les copies, n’avoir qu’une version de la vérité, c’est quand même beaucoup plus facile. Heureusement, certains profs sont attentifs à tout ça, et donnent le niveau de validité de ce qu’ils enseignent, et essaient d’enseigner le doute. Mais ça n’est pas l’attitude la plus répandue avant les ECN. Pas la plus « rentable » pour les étudiants non plus.
Pendant le troisième cycle, ça change un peu. En tout cas en médecine générale, ça fait partie des compétences que les départements de MG cherchent à développer. On nous pousse à remettre en question les dogmes établis.

Mais sans nous dire comment, en pratique, on peut se tenir au courant des informations utiles au quotidien, des remises à jour, des changements.

C’est dommage, quand même.

Mais ça pourrait changer.

Rendez-vous jeudi.

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Ça pourrait changer  

8 réflexions au sujet de « C’est dommage, quand même. Episode 3. »

  1. Eh oui, et en troisième cycle, lorsque nous essayons d’enseigner un peu de complexité, c’est en effet pas toujours bien perçu par les étudiants. C’est d’ailleurs très compréhensible : c’est tout de même un gros stress d’avoir la responsabilité de la santé des personnes, ce serait tout de même plus rassurant si nous pouvions nous appuyer sur un Savoir absolu et inaltérable.

  2. Petit témoignage concernant la rentabilité du doute avant les ECN, ma D3 et surtout ma D4 ont été des années de prise de conscience et de remise en cause du système, ça ne m’a pas empeché d’être très bien classé.
    C’est plus facile de retenir des choses quand elles nous marquent par qu’elles suscitent désaccord, incompréhension voire colère… Il y a aussi l’envie d’accéder (à plus long terme que le troisième cycle) à un statut qui nous permettra, même très modestement, de commencer à faire bouger certaines choses.

  3. Le seul qui m’ait enseigné le doute, c’est mon maitre de stage de MG (avec qui je suis installée maintenant comme PAR HASARD) avec qui j’ai passé des heures à discuter de l’attitude à avoir avec les patients quand nous même on était pas convaincu, ou que les recos changeaient etc.
    Hyper enrichissant, et ça m’aide encore aujourd’hui !

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  5. « Mais sans nous dire comment, en pratique, on peut se tenir au courant des informations utiles au quotidien, des remises à jour, des changements » Totalement vrai. Et encore aujourd’hui….
    j’ai tellement de mal à entendre « vous devez vous autoformer » pendant votre internat. Moi qui croyait que j’étais encore en formation. Ok pour m’autoformer, c’est un principe de base que j’entends. Mais qu’on me l’apprenne….

    • Je pense que le DMG qui t’a formé ne demande pas mieux que de t’accueillir dans ses rangs. Tu pourras donner tes idées sur comment enseigner l’autonomie 😉 !

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